LLPSI numérique. Des traductions orales du latin déposées sur l’ENT avec correction vidéo individualisée : une routine progressive pour ancrer la maîtrise de la langue. - Lettres - Académie de Normandie

LLPSI numérique. Des traductions orales du latin déposées sur l’ENT avec correction vidéo individualisée : une routine progressive pour ancrer la maîtrise de la langue.

 Méthode LLPSI
 Enregistrements audio de versions
 Correction vidéo grâce à l’outil "Devoir" de Moodle dans l’ENT Néo

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 Origines – pourquoi cette expérience ?

A l’origine de ce besoin pédagogique, le constat un peu amer des conséquences de l’ancien programme de latin avec son épreuve orale au baccalauréat, exigeante en théorie, mais qui en pratique s’était de plus en plus traduite par un bachotage décevant : les élèves, interrogés sur des points simplissimes de grammaire ou de lexique, étaient incapables de répondre. Ils connaissaient sans vraiment les comprendre des traductions apprises par cœur. Combien d’élèves au sortir du lycée ne comprennent toujours pas bien ce que sont les cas, a fortiori peinent à les identifier ?

De là ma volonté de mettre en place une routine grammaticale de long terme, une pratique régulière de la langue très modeste, mais réellement maîtrisée, et ancrée. Pour cela, il fallait une progressivité très lente, afin de construire patiemment une véritable compréhension du fonctionnement de la langue. Or pour créer ex nihilo le matériel de difficulté croissante d’une routine ad hoc, il faut du temps et des capacités. Dépourvu d’au moins un des deux, j’ai résolu de chercher si ce matériel n’existait pas déjà, en dehors des manuels scolaires ou universitaires, qui ont souvent des ambitions plus complexes.

 Mise en place progressive, délimitation, cadre

 Choix du texte

J’ai choisi dans un premier temps de puiser dans le très classique De viris illustribus de l’abbé Lhomond, bien connu des générations précédentes. En réalité, la progression grammaticale de ces textes est rapide, trop rapide pour des élèves parfois débutants complets (elle fait par exemple très vite apparaître la proposition infinitive et l’ablatif absolu, et demande donc de mettre en place un accompagnement grammatical assez lourd). C’est suite à cette déception que j’ai dans un second temps relancé mes recherches et découvert la méthode LLPSI (Lingua Latina Per Se Illustrata, « la langue latine illustrée par elle-même ») de Hans Orberg. Cette méthode est assez répandue dans les pays du Nord de l’Europe, en Espagne et en Italie, mais plutôt confidentielle en France, malgré un regain récent d’intérêt, notamment dans le cadre universitaire où un colloque récent à Lille s’est attaché à faire le point sur les méthodes d’apprentissage dites actives. Des initiatives de modernisation du travail d’Orberg fleurissent en effet sur la toile. On trouve ainsi des illustrations sur le site Legonium (exemple : le chapitre I). En Espagne un autre site, Nunc est loquendum, est conçu comme un accompagnement de la méthode Orberg. Un nouveau manuel espagnol, Via Latina, s’annonce aussi comme une version moderne de celui d’Orberg. Cette version moderne nous paraît utile, car le manuel LLPSI a ses défauts, dont une vision caricaturale et discutable de la société romaine : les coups de bâton tombent régulièrement sur les enfants et les esclaves ; les esclaves sont voleurs et les servantes sont laides tandis que la maîtresse qui aime son mari est belle et bonne, etc. En attendant un accès plus simple à des ressources modernisées, j’ai choisi la méthode d’Orberg, pour l’instant mieux diffusée, notamment en termes de ressources numériques.

 Modalité de travail : l’oral

Dans l’idée que cette activité devait être la plus fluide, la plus rapide possible pour l’élève, j’ai fait le pari qu’un travail oral serait le plus à même d’être efficacement traité via les téléphones personnels des élèves, ou des tablettes et ordinateurs portables (dont ils disposent par équipement de la Région).

 Longueur des extraits proposés

Autre difficulté : quelle longueur pour les extraits à traduire ? Si l’extrait est trop court, il est peu rentable pédagogiquement, car les textes LLPSI ont une progression très lente dans la complexité. Si l’extrait est trop long, il risque de dégoûter les élèves. Il semblerait qu’une dizaine de lignes soit le niveau minimal d’attente pour l’enseignant, une vingtaine le niveau maximal d’acceptation par les élèves. La longueur moyenne est donc d’une grosse quinzaine de lignes, mais les élèves préfèreraient moins.

 Rétroaction : systématique, individuelle, vidéo

Autre nécessité : individualiser le travail et les rétroactions. Les routines collectives existent et peuvent avoir du bon, mais l’enseignant n’est jamais sûr de ce que les élèves en retirent. Mon souhait était de m’assurer que tous parviendraient à maîtriser un socle solide de compétences grammaticales (identifier des temps, des terminaisons, des cas en s’aidant des répétitions et du contexte). Le moyen retenu a été celui d’une rétroaction individualisée orale et visuelle, au moyen d’une vidéo personnelle et particulière à chacun.

 Intégration à la progression pédagogique

Quelle articulation avec le cours normal ? Difficile voire impossible, car la méthode LLPSI n’est aucunement indexée aux programmes nationaux en vigueur. Cette pratique devait être indépendante de l’avancée du reste du cours, mais elle devait s’enrichir des apprentissages faits ailleurs, et les enrichir à son tour. Les premiers essais en classe étaient intéressants, car ma présence permettait de rassurer les plus fragiles sur le plan linguistique et technique. Cependant j’ai vite renoncé à intégrer la routine LLPSI aux horaires de classe, car l’enregistrement simultané d’une quinzaine de personnes peut vite tourner au brouhaha et, sans compter les rythmes différents, la plupart ressentaient une forme de honte à s’exprimer devant leurs camarades, surtout avec la prononciation latine. J’ai donc progressivement transformé cette routine en une tâche hebdomadaire autonome externalisée, faite à la maison.

 Concrètement, à quoi cela ressemble-t-il ?

 1) Le support de travail – une centralisation de ressources et d’activités sur l’ENT (Moodle)

L’expérimentation a nécessité la mise à disposition par l’enseignant sur l’ENT d’une série d’extraits, chacun assorti d’un accompagnement pédagogique et lexical complet.

La plateforme utilisée est Moodle, implémentée dans l’E-duc de Normandie (Néo). Moodle propose de nombreux outils très pratiques, dont la ressource « livre », qui permet de centraliser un nombre illimité de ressources au même endroit, comme un manuel numérique.

Chaque extrait se voit consacrer une page exclusive du livre, qui elle-même centralise toutes les ressources nécessaires à la compréhension/traduction :

  • au centre, une capture d’écran du texte à lire et traduire (1)
  • au-dessus, une vidéo intégrée d’un exemple de lecture (2)
    • (en amont de ce travail, il est préférable d’organiser un cours complet sur la prononciation, avec des exercices d’application et une ressource normative à laquelle se reporter)
    • (la lecture est faite par Scorpio Martianus –L. Ranieri – une nouvelle version avec une autre voix a été publiée depuis)
  • à coté du texte, le vocabulaire (3)
    • (choix personnel – le principe de la méthode dite active, vivante, est précisément de ne pas étayer le texte par du vocabulaire ; mon objectif premier étant d’abord de permettre l’appropriation du fonctionnement de la langue latine, j’ai fait un choix contraire car je n’ai pas souhaité que le lexique devienne un frein à la réalisation de cette routine)
  • sous le texte, le vocabulaire sous forme de flashcards, pour faciliter sa mémorisation à long terme (4)
  • tout en bas, un lien vers le devoir où déposer le travail, et si besoin un outil de dictaphone (5)
    L’élève a ainsi à sa disposition tout l’appareillage nécessaire pour construire par lui-même le sens du passage complet.

 2) Un outil « Devoir » pour le dépôt hebdomadaire par l’élève d’une lecture et traduction juxta-linéaire sur un fichier audio.

L’élève, soit via le tableau de bord de la section LLPSI soit via la page du livre consacrée au passage à traduire, parvient au « devoir » qui sert de zone de dépôt de son travail.

Il conviendra d’avoir en amont pris un temps en classe pour familiariser les élèves à l’enregistrement et la gestion des fichiers audio, au besoin en faisant des démonstrations sur plusieurs types de terminaux (téléphones Androïd, IOS, ordinateurs portables, outils de l’ENT). La manipulation technique doit être « désamorcée » au départ pour ne pas devenir un frein à la routine.

 3) Correction et rétroaction systématique sous forme de correction vidéo (commentaire oral des erreurs identifiées sur le texte numérisé)

Côté enseignant, l’outil « Devoir » de Moodle permet de présenter la liste des travaux rendus (et donc éventuellement de relancer les oublis ou les retards).

Dans le détail, l’enseignant peut accéder à chaque fichier audio déposé par les élèves, pour les évaluer.

Il reste à corriger le travail rendu. Pour cela, l’enseignant annote une capture d’écran du texte, en écoutant l’oral (ici, avec un code couleur simple : le bleu pour la prononciation, le rouge pour la traduction). Dans la foulée il faut enregistrer un commentaire de la correction, sous forme de vidéo (enregistrement d’écran commenté).

L’enseignant, dans la zone d’évaluation du devoir, peut alors déposer la vidéo.

Celle-ci peut être aisément consultée par l’élève, à l’endroit précis où il a déposé son travail.

 4) A la fin de chaque chapitre, révision générale des traductions et du lexique.

Pour faciliter l’ancrage du vocabulaire courant et s’assurer du bénéfice des corrections, j’ai proposé des étapes de révision (sous forme d’évaluation), portant sur le lexique et sur les traductions (un passage de chaque extrait à retraduire).

 Exemples de productions d’élèves et de correction vidéo

 Comment faire ? – tutoriels

Tutoriel PDF (à venir)

Tutoriel vidéo (à venir)

 Points de vigilance, améliorations possibles :

Quels sont les points de ce dispositif qui, après coup, méritent d’être signalés ou repensés ?

  • l’investissement du professeur : une routine, pour être efficace, doit réellement être régulière ; cela sous-entend d’accepter de passer beaucoup de temps à la correction des enregistrements audio qui, à la différence d’une copie, ne peuvent être rapidement balayés du regard, même si une lecture accélérée est possible
    • évolution : tester une évaluation par les pairs via l’atelier Moodle ?
  • les malentendus sur la méthode : la notion de traduction juxtalinéaire n’est pas toujours simple à comprendre pour certains ; en outre, la demande de commencer l’enregistrement par une lecture simple de quelques phrases, non hachée, pour développer les compétences langagières, a généré étrangement des confusions durables
    • évolution : préparer un tutoriel vidéo pour le principe de la traduction juxtalinéaire ?
  • l’illusion orale de la maîtrise de la traduction : attention à ne pas considérer que ces traductions orales suffisent ; penser à compléter avec des moments de traduction écrite, qui révèlent des lacunes.
  • « rentabiliser » les corrections vidéo : attention à bien s’assurer que les corrections vidéo de l’enseignant sont effectivement consultées et exploitées par les élèves
    • évolution : consacrer un temps en classe de consultation de la correction ? avec interaction de l’élève ? tenir à jour un tableau individuel des erreurs déjà commises à ne plus réitérer ?
  • le choix et la délimitation des extraits : nous avons signalé supra les limites du matériau d’Orberg (contenu daté, progressivité trop lente), qui peut donner l’impression de ne pas avancer pour les bons élèves.
    • évolution : revoir la planification d’ensemble, la délimitation des extraits (en effet la progression peut paraître lente) ? pourrait-on imaginer que la délimitation hebdomadaire soit la lecture du chapitre, et la traduction d’un passage seulement ? au choix de l’élève ? Faut-il travailler à partir de Via Latina ?

H. Belloc